Prolongeant le poignet d’un grand corps animé,
A l'allure grâcieuse, libre et enlevée,
Cette main chanceuse ne cessait d’explorer,
De tâter tout ce qui lui tombait sous le nez
La terre l’eau les fruits les fleurs, en vérité,
Elle avait soif d’aventure et de liberté,
Ses sens alertes prête pour la découverte
De cette vie folle aux mille portes ouvertes
Elle broyait du noir enfermée dans sa poche
Si étriquée qui lui faisait louper le coche,
Des nouvelles textures et rencontres dehors
Qui revêtaient à ses yeux la valeur de l’or
Un jour qu’elle se baladait dans la forêt
Elle aperçut au loin quelque chose briller
Toute excitée, elle s’approchait plus encore
De cet endroit pour se retrouver aux abords :
- Bonjour ! Je ne sais pas comment tu t’appelles
Mais tu es d’une beauté qui semble éternelle
- Bonjour main, je suis le feu, celui qui apporte
La chaleur dans les cœurs que je réconforte
- Je suis enchantée de te rencontrer monsieur
Avec enthousiasme la main s’offrit au feu
Et sentit le moment devenir douloureux
- Aïe !!! Mais pourquoi m’as-tu fait mal comme ça ?
Ca brûle, je sens que je suis dans tous mes états
Très étonné, le feu s’empressa de répondre
A la main qui était presque en train de fondre
- Je suis navré, je ne pensais pas te faire souffrir
Autour de moi s’éveillent les chants les rires
C’est bien la première fois que l’on me reproche
Ma bonté la bienveillance de mon approche
La main avait déjà reculé de trois pas
Pour éviter par instinct son sombre trépas
- Ne savais tu donc pas que tu étais nocif
Pour tous ceux comme moi, les candides les naïfs ?
Ces mots firent mal au cœur du feu, il perdit
La chaleur de son essence et s’éteignit
La main demeura interdite, quoi faire ?
Peut-être méritait-il d’aller aux enfers ?
Le lendemain, la main se réveilla endolorie
Les stigmates du feu ne s’étaient pas taris
Elle pensa à leur échange de la veille
Aux crépitements, aux couleurs, à la souffrance
Et conclut que le feu était une merveille
Dont elle devait s’approchait avec prudence
Elle retourna chercher le feu, le prévenir
Qu’elle n’avait nulle raison de le bannir
Tant qu’ils trouvaient ensemble un moyen de se dire
Les choses du cœur qui construiraient leur avenir
L’horizon indiqua où le feu se trouvait
Luisant d’une lumière jaune et orangée
Dont la main devenait si vite hypnotisée
Qu’elle se garderait de lui parler de trop près
- Bonjour feu, je suis heureuse de te retrouver
- Bonjour main, pourquoi ne viens tu pas me saluer ?
- Pardi, j’ai bien appris la leçon enseignée Regarde les cicatrices qu’elle m’a laissées
- Que fais tu preuve d’une pareille rancune En veux tu aussi au soleil, à la lune ?
- A personne crois-moi, je ne t’en veux point.
A ces mots, le feu répondit à brûle pourpoint :
- Tu t’illusionnes, tu prétends ne pas m’en vouloir,
Mais au fond de toi tu gardes tout en mémoire !
Si tu m’aimais vraiment, tu aurais oublié
Tout ce qui s'est passé, et on recommencerait
Pensive, la main se caressa le menton
S’interrogeant sur ses réelles intentions
Son cœur était ouvert au feu, elle l’aimait
Mais son instinct lui soufflait de se protéger
- Je n’ai pas oublié ce qui s’est passé hier,
Et je ne garde contre toi aucune colère
Simplement le sentiment que pour ma sécurité
Je ne dois pas de trop près t’approcher
- Mais pourquoi ?! Je ne te veux vraiment aucun mal
Il n’y a eu, dans nos échanges, rien d’anormal
La main comprit que le feu s’était mis en tête
Qu’elle s'accrochait à une chose obsolète
- Mon bon feu, tu as oublié avec aisance
Ce que tu n’as pas ressenti dans ta transe
La douleur était mienne, il est facile
Pour toi de tirer dessus un trait gracile
- Tu te trompes main, moi aussi j’ai eu ma part
Et pourtant tu vois je ne suis pas au radar Guettant tes moindres mots qui à nouveau pourraient
Eteindre mes belles flammes comme un soufflet
- Je commence à comprendre ta façon de penser
Tu te dis que pardonner, c’est tout oublier
Faire reset comme sur un ordinateur
Qui serait saturé de fichiers et d’erreurs
Mais c’est à mon sens beaucoup trop négliger
La richesse de l’expérience glanée
Qui honore et donne du sens au vécu
Et évite aussi les airs de déjà vu
Le feu soudain se rappela un évènement
Qui lui fit changer ses perspectives brusquement
- Main, je suis de ton avis, car j’ai à mon tour
Expérimenté tous les affres de l’amour
Je me rappelle être tombé amoureux un jour
D’une cascade non loin dans les alentours
Le jour où je lui ai déclaré ma flamme
Elle m’a inondé de son eau corps et âme
Mes flammes ont laissé place à une simple fumée
Et je me suis juré de me tenir éloigné
Pourtant ça ne m’a pas empêché de l’aimer
Simplement, j’ai manifesté pour moi le respect
De trouver la juste distance pour communiquer
Sans qu’elle ne menace ma vivacité
Enfin, la main et le feu purent savourer
D’être maintenant sur la même longueur d’onde
Et ensemble se mirent à chanter et danser
Pour célébrer leur nouvelle naissance au monde
Gardons nous de confondre rancune et mémoire
Là où le bât blesse il n’y a jamais de hasard
Notre expérience est riche d’apprentissages
Soyons à l’écoute de tous ses messages
Sachons aussi le moment venu faire peau neuve
Cesser de demander à l’autre des preuves
L’amour se vit au présent à cœur ouvert
Sans anticiper chaque fois le moindre revers
© Carole Richter
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