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La Panthère et le Chaton

Dernière mise à jour : 17 avr. 2020



Au fin fond d’une forêt tropicale,

Se balade un bien bel animal.

Sa robe noire finement tachetée brille

Presqu’autant que son regard ne pétille.

Ses oreilles arrondies constamment en alerte,

Cette panthère arpente la jungle à la découverte

D’un point d’eau pour étancher sa soif immense.


Les arbres, les lianes, la végétation dense

L’empêchent de bien y voir à des kilomètres à la ronde

Mais son ouïe fine ne l’a jamais trompée,

Et plus elle avance plus elle entend l’eau qui gronde

Provenant de la cascade d’une rivière tout près.


La panthère court vers ce fort clapotis qu’elle perçoit,

Tout excitée et entrainée par ses instincts-rois.

Une fois arrivée face au cours d’eau elle boit,

Et désaltérée, s’apprête à tourner le dos,

Quand elle entend une petite voix s’exclamer

« Combien de temps vas-tu encore m’éviter ? »


D’où cela peut-il provenir, s’interroge-t-elle, de l’eau ?

Alors elle se penche pour mieux distinguer

Un chaton aux grands yeux remplis de bonté.


Perplexe, la panthère garde un moment le silence

Puis retrouve sa verve et son impatience :

- Je suis de plusieurs décennies ton aînée,

Et tu oses aussi familièrement m’interpeller,

Qu’aurais-tu donc à m’apprendre microbe ?

Parle et fais le vite, avant que je ne te gobe.


- Il n’est pas question d’âge mais de tempérament,

Ce n’est pas ma jeunesse qui me rend différent.

Croyez-le pourtant, je n’ai rien à vous enseigner ;

Ce que je sais vous le savez, cela vice-versa.

Si je suis là, c’est que vous m’avez convoqué.


- Alors je te congédie, pars et ne reviens pas !

Je t’épargne, maintenant va-t’en, laisse-moi,

Je m’en sors seule et n’ai nul besoin de toi.


Agacée, la panthère rugit de mécontentement,

Donne un coup de griffes en direction de l’importun,

Mais ne fait que brasser de l’eau pour rien.


Le chaton demeure et répond sobrement :

- Il semblerait que vous vous protégez

De choses dont on ne peut se défendre,

Vous faites des sentiments votre ennemi juré

Et esquivez tout ce qu’on y peut trouver de tendre.


La panthère intriguée, se radoucit et demande :

- Comment peux-tu être sûr d’aussi bien me connaître ?


- C’est que, ma chère, vous n’êtes pas seule aux commandes,

Je suis en vous, je fais partie de votre être.

Vous pouvez me chasser tant que vous voudrez

Mais je vous avertis : vous vous trompez de gibier.


- Me proposerais-tu de devenir mon allié,

A moi, qui d’un coup de pattes t’envoie voler ?!

Sur ces propos, la panthère rit et part,

Laissant, croit-elle, le chaton dans la mare.


Mais alors qu’elle pensait être débarrassée de l’indésirable,

Sur son chemin, elle l’entend à nouveau de son ton aimable :


- Vous avez beaucoup de force et de puissance

Mais vous mettez à l’abri de ma bienveillance,

Ne rejetez pas comme ça la sensibilité,

Je vous en prie, ayez foi en notre alliance


La panthère prend le temps de réfléchir puis lance :

- Qu’aurais-je à gagner à cette soudaine amitié ?


- Votre entièreté, qui en ce moment-même se meurt ;

N’ayez crainte, je ne vais pas effacer votre caractère,

Ni mettre en péril votre sauvagerie ou vos colères,

Je souhaite seulement le bonheur de votre cœur.

Tous les deux, nous sommes de la même espèce,

Féline, et nous en partageons la sagesse.


Amadouée, la bête abandonne sa méfiance,

Et enfin se réconcilie avec son essence.

Désormais, elle saura être entière,

Dans son nouvel équilibre, mi-chaton mi-panthère.



Que cela nous rappelle de troquer notre pelage

Pour garder le cœur libre, loin hors de toute cage.

Sachons baisser la garde, fendre la carapace,

Rester fondre au soleil comme la glace

Qui se réinvente en un torrent d’émotions

Et miracle, donne à l’âme sa vraie médication.



© Carole Richter






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